Éditorial

C’est à la recherche d’une parole vive, d’une parole prise très au sérieux que sont partis les participants à la deuxième journée de réflexion de PERSPECTIVES PROTESTANTES au mois d’avril dernier. Alors que nos sociétés modernes cèdent toujours davantage à la facilité de la démagogie – dans le sens d’une communication visant d’abord un effet particulier avant d’être assurée de sa pertinence réelle – il fut bienfaisant pendant le temps des exposés et des échanges qui les suivirent de partager avec les personnes présentes la préoccupation d’un usage averti des richesses de la parole, tout à la fois libre, ardente et créatrice.

Ce numéro de notre revue, qui compile les textes des interventions de cette journée, propose ainsi un parcours à l’affût de la parole en tant qu’événement. D’abord « puissante » dans les mots d’Elisabeth Parmentier, professeure de théologie pratique à la Faculté de théologie de Genève, capable au-delà des intentions d’atteindre, en bien ou en mal, celui qui la reçoit, la parole se trouve ici présentée dans son indépendance et sa charge symbolique. Nous trouverons dans ces premiers développements des pistes pour mieux comprendre son importance dans le champ théologique et la sorte d’affinité qui lie Dieu et la parole dans la tradition judéo-chrétienne.

La jeune recherche en littérature a occupé la suite du programme autour des œuvres de deux poètes français de la modernité : Stéphane Mallarmé et Louis Aragon. Grâce à la sensibilité des lectures proposées, l’ouverture à la littérature nous apprendra ici combien l’accès à une parole digne de ce nom, « authentique » chez l’un, « amoureuse » chez l’autre, fut chez ces auteurs l’objet d’une forme de drame et combien cette parole donnée finalement le sera – comme la bénédiction à Jacob – « de haute lutte ».

Prenant enfin un recul historique et critique savant, l’intervention finale, menée par l’anthropologue Philippe Breton, désigne la parole comme l’alternative absolue à la violence. L’évoquant en termes de « manque » ou de « question » au sein de l’expérience de l’humain mortel, il en démontre la nécessité face à l’excès de soi, son contraire, que serait le recours à la violence. Riche journée donc, offerte ici à votre lecture : si votre intérêt est satisfait, pourquoi ne pas parler de notre revue plus loin et faire connaître ce petit bulletin qui ne demande que ça ?

Alexandre Winter
Pasteur de l’Eglise protestante de Genève (EPG)