Éditorial

« Je ne veux pas d’un monde où tout change, où tout passe » écrit Lamartine dans l’une de ses Méditations poétiques. Parler de changement en effet, comme le fait ce nouveau numéro de Perspectives protestantes, c’est parler d’un phénomène ambigu. Il en va d’une part de l’expérience ordinaire – exprimée ici par le poète – du changement : celle en particulier qui se confronte au passage du temps. D’autre part pourtant, la notion de changement concerne une dimension plus « active » du devenir humain : celle qui dépend d’une volonté de changer, qui ne va le plus souvent pas sans problèmes. Ainsi, alors que le changement apparaît comme l’élément fondamental et inévitable de l’expérience du temps et de l’histoire, rappelant la maxime d’Héraclite d’Ephèse affirmant qu’ « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », il est en même temps à l’horizon d’une décision impliquant renoncement et renouveau.

Pourquoi le nier ? Le changement, qu’il soit personnel ou collectif, n’est pas chose aisée. Il se heurte au poids des habitudes, des sécurités et des programmes. Il indique un chemin encore inconnu. Cette tension entre ce qui se joue avec ou sans nous marque d’une certaine façon l’ensemble de ce numéro. D’abord, dans un article du bibliste Jean Zumstein où, autour des « secousses cognitives » inséparables de l’annonce de l’Evangile, il nous est montré que l’événement chrétien ne peut avoir lieu sans le « renouvellement de l’intelligence » dont parle l’apôtre Paul. Puisant à la source des écrits néotestamentaires, il présente la révélation chrétienne comme essentiellement « critique », c’est-à-dire portant la crise là où elle se manifeste : crise des représentations, crise du langage et crise de la connaissance.

Dans une réflexion profondément engagée dans les problèmes du monde, c’est ensuite le professeur honoraire de théologie systématique Bernard Rordorf qui fait saisir l’urgence du changement que notre terre et nos sociétés malades réclament. Alors que les divisions et les inégalités semblent en constante augmentation dans la modernité, il plaide ici pour une réelle et déterminée prise de conscience que l’humain ne peut vivre « de pain seulement » et que sa vocation l’appelle à une profonde solidarité avec tout ce qui est.

Enfin, en guise d’exemple des difficultés du changement, c’est la doctorante Lauriane Savoy qui décrit dans un article de recherche quelques étapes de l’histoire de l’accès des femmes au ministère pastoral dans l’Eglise protestante de Genève.

Nous espérons, si elle ne vous « change » pas (mais pourquoi pas ?), qu’au moins la lecture de notre revue satisfasse votre intérêt et vous ouvre des perspectives. Et s’il vous est possible de vous rendre à la demi-journée d’études annuelle qui approfondira encore ce même thème (programme au dos de ce numéro), ce sera pour nous une grande joie de vous rencontrer !

Alexandre Winter
Pasteur de l’Eglise protestante de Genève (EPG)