Éditorial

Il y a quelques années, deux publications d’inspiration protestante et destinées à un large public ont successivement disparu: Les Cahiers protestants, puis le Bulletin du Centre protestant d’études. Beaucoup s’en sont désolés, car il n’en découlait pas seulement un affaiblissement du rayonnement de la pensée protestante,mais l’abandon d’une tentative originale de conduire une réflexion théologique pour le peuple de l’Eglise et en débat avec la culture et les problèmes de société.

Ce projet n’a pas cessé d’avoir du sens, et l’on peut se réjouir de ce qu’un petit groupe d’anciens étudiants et étudiantes, pasteurs des Eglises protestantes de Genève, de Neuchâtel ou de Vaud, assistants et assistantes en Faculté de théologie aient repris la discussion et se soient concertés pour le renouveler. En l’état actuel des choses, et compte tenu du fait que chacun y participe à titre bénévole, c’est un projet modeste: créer une association dont le nom est «Perspectives protestantes» et dont le comité s’est donné pour tâche d’organiser chaque année, à Genève, à Lausanne ou à Neuchâtel, une journée d’étude et de débats, couplée avec la publication, deux fois par an, d’un bulletin.

Vous tenez entre les mains le premier numéro de cette publication, il est destiné à annoncer et à offrir quelques éléments de préparation pour la journée de réflexion qui aura lieu le 25 avril au Temple de la Fusterie, à Genève, et dont vous trouverez le programme en 4e page de couverture.

Pour l’année 2015, le thème retenu après une longue discussion est le corps. Par l’expérience quotidienne, chacun peut sans doute se persuader que le corps est une des grandes obsessions qui commande les pratiques culturelles et sociales du monde où nous vivons. Appréhendé le plus souvent de manière instrumentale, sur le mode de l’avoir plutôt que de l’être, le corps semble n’avoir de valeur que plastifié, désodorisé, remodelé. Il n’est acceptable que dans la mesure où sa réalité charnelle est rendue invisible. Il est alors d’autant plus étonnant de remarquer que pour dire la venue parmi nous du Fils de Dieu l’Evangile de Jean ne dit pas que le Verbe s’est fait corps, mais s’est fait chair. Ce mot de chair dit davantage que le mot corps, car il désigne ce qui constitue la substance intime du corps, la sensibilité, la capacité d’être touché et de toucher, la fragilité.

Et par là il y a bien lieu de parler, avec A. Gesché, d’une «invention chrétienne du corps». Prendre la mesure de cette invention, la confronter aux différents modes de notre expérience du corps, les pistes de réflexion ne pouvaient manquer… Nous sommes heureux d’ouvrir ce premier numéro de «Perspectives protestantes» par un article d’Eric Fuchs, professeur honoraire d’éthique, et qui, avant d’enseigner en Faculté de théologie, avait dirigé long temps, en collaboration avec Marc Faessler, le Centre protestant d’études de Genève et son Bulletin. Le second article nous a été donné par Etienne Perrot, jésuite et docteur en économie. Lus ensemble, ces deux articles forment une excellente introduction à la problématique du corps, dont ils marquent quelques points forts, aussi bien en direction de la théologie, que de la sociologie ou de l’histoire, sans oublier les questions qui émanent du rapport existentiel de chacun à son propre corps.

Les deux rubriques suivantes, qui seront reprises régulièrement, sont destinées à présenter d’une part quelques comptes-rendus de lecture, d’autres part quelques échos de la recherche actuelle en théologie, la parole étant donnée à un étudiant ou une étudiante préparant un travail de thèse. Les deux comptes-rendus qui figurent dans ce numéro sont dus à Alexandre Winter, pasteur dans l’Eglise protestante de Genève, et à Jean-Yves Rémond, titulaire d’un master en théologie, animateur de groupes bibliques et formateur d’adultes dans la vallée de l’Arve. Quant à Janique Perrin, assistante en théologie systématique à la Faculté de Genève après avoir été plusieurs années pasteur dans l’Eglise vaudoise d’Italie, elle a choisi pour sujet: «Traduire l’espérance chrétienne pour aujourd’hui. Littérature contemporaine et théologie en dialogue» et donne ici les premiers éléments de sa recherche.

Enfin, nous voulons adresser nos remerciements à l’Eglise protestante de Genève pour le soutien qu’elle accorde à cette publication, et à toutes les personnes, notamment Joël Burri, rédacteur de Protestinfo, qui ont apporté leur aide à la réalisation de ce bulletin.

Et nous espérons, chers lecteurs et chères lectrices, que vous recevrez avec faveur cette publication, ainsi que notre invitation à la journée du 25 avril. Nous serons heureux de vous y accueillir, que ce soit en tant qu’abonné, membre de notre association, ou en tant que visiteur. Car nous avons besoin de vos suggestions, de vos remarques et de votre soutien pour continuer.

Bernard Rordorf
Professeur honoraire de la faculté autonome de théologie de l’UniGE