Éditorial

Notre toute jeune revue fête ces jours-ci son premier anniversaire, déjà. A nouvelle année de vie, nouveau thème d’étude, de réflexion, nouvelle interpellation à notre intelligence, à notre foi. Pour cette deuxième série, c’est le thème de la parole/Parole qui va être visité à nouveaux frais. Vous tenez donc entre les mains le premier volet de l’étude, et nous avons le plaisir de proposer au sommaire de cette troisième édition deux articles de fond particulièrement riches.

Le premier est écrit par Pierre Bülher, professeur de théologie systématique à la faculté de théologie de l’Université de Zürich, dont l’herméneutique — théologique et philosophique — est l’un des champ de recherche, le second de Jean-Daniel Causse, docteur en théologie, professeur en études psychanalytiques à l’Université Paul-Valéry Montpellier III.

Pierre Bülher nous entraîne dans une réflexion sur la parole-évènement, à la suite de Jacques Ellul. Le point de départ en est la parole humiliée, dévalorisée (parler pour ne rien dire, pour remplir le vide), qui contraste avec la parole qui fait événement (Wortgeschehen pour le dire avec le mot d’Ebeling), qui change une réalité, une parole qui accomplit quelque chose, une parole créatrice. Pour le théologien chrétien, c’est l’Incarnation de la parole divine qui donne aux paroles humaines la possibilité d’être Wortgeschehen. La parole ne peut donc être pleine de vie que précédée par l’écoute de la Parole.

Jean-Daniel Causse quant à lui s’interroge et nous interroge: «qu’est-ce qu’une parole qui soigne et qui guérit?», éclairant la parole dans le champ psychanalytique par une réflexion sur la parole dans le champ théologique. L’homme est un être de langage, un être qui est donné à la vie, appelé à vivre, par le langage de l’autre/Autre qui le précède. La parole humaine mêlant bénédiction et malédiction, Jean-Daniel Causse nous propose une nouvelle compréhension du péché originel en l’identifiant en tant que cette «part malheureuse qui fait que nous sommes toujours nés, comme les Hébreux, dans l’esclavage du pays d’Egypte», part qui passe par cette malédiction, mauvaise parole, qui nous est toujours déjà aussi adressée. La parole qui guérit se déploie dès lors comme une parole qui ne cherche pas à conformer l’autre à une idée préconçue de la guérison, à une normalité prédéfinie, une parole qui «fait acte» (Lacan), sans que ni le soignant ni le soigné ne sache comment ni pourquoi, une parole, ou une Parole, qui nous échappe, qui nous déborde, qui nous déplace, une Parole qui souffle où elle veut pourrait-on dire.

La page réservée à l’état de la recherche théologique est consacrée à Jean-Yves Rémond, qui depuis la fin de son master en théologie à la Faculté autonome de théologie de Genève se consacre à une recherche sur «la Trace de l’infini dans la parole humaine, d’Exode 3,14 à Jean 1,14».

Enfin, pour terminer ce numéro, deux recensions qui vous donneront sans doute envie de plonger dans la réflexion de leurs auteurs: la première du livre Jubiler ou les tourments de la parole religieuse, de Bruno Latour, par Elisabeth Schenker, pasteure de l’Eglise Protestante de Genève, et la deuxième d’un collectif dirigé par Elisabeth Parmentier et Michel Deneken, Pourquoi prêcher — Plaidoyers catholique et protestant pour la prédication, par la théologienne Julie Paik.

Le second volet de cette année sera notre journée d’étude le samedi 23 avril prochain au temple de la Fusterie (Genève), dont vous trouverez le programme en quatrième de couverture. Nous nous réjouissons de vous rencontrer à cette occasion, autour de ce que nos conférenciers nous donneront à partager: Elisabeth Parmentier d’abord, Annick Ettlin et Ferdinand Salzmann dans une conférence à deux voix ensuite, et Philippe Breton enfin. L’Espace Fusterie vous accueillera déjà durant les quinze jours qui précèdent, pour une exposition à ne pas manquer «Parole et souffle».

Pour celles et ceux qui ne pourront pas participer à la journée d’étude, notre deuxième numéro de l’année 2016 en reprendra les conférences, ce qui permettra également à celles et ceux qui y auront participé d’en garder une trace et de prolonger la réflexion.

Belles lectures, et au plaisir de vous retrouver au fil de nos numéros et journées!

Sandrine Landeau
assistante en histoire du christianisme Faculté autonome de théologie de Genève