Éditorial

Ce numéro sur « le sexe et l’autre » se veut peut-être un peu provocateur sur un sujet peu abordé en théologie protestante, mais aussi et surtout éclairant sur une dimension de notre humanité omniprésente de notre société. Notre ambition est de nourrir votre réflexion sur un lieu, complexe, qui croise les corps, les identités, le désir et la loi et d’articuler cette réflexion au corpus biblique. En ce sens, le sexe entre toujours en interaction et en résonance avec l’a(A)utre. Le sexe en effet n’existe pas en soi, mais il advient à travers la relation à autrui. Et si la sexualité est une dimension fondamentale de la vie humaine, elle n’est jamais détachée d’un contexte culturel, social et religieux, qui la conditionne, la « colore », la balise et l’autorise. Notre souhait est que cette mise en lumière suscite débats, questionnements et ouvertures nouvelles.

Pour ouvrir ce numéro, Elisabeth Schenker nous propose un parcours passionnant et minutieux à travers le langage biblique et théologique qui a servi à cautionner (voire prescrire) certaines formes de sexualité et de rapports entre hommes et femmes. Elle pose l’exigence d’une interprétation qui ouvre le sens plutôt qu’elle ne le clôt et nous montre comment la répudiation d’une femme est relue par le Jésus des Évangiles. Par l’élargissement de notre regard et la prise en compte du silence de Jésus sur l’acte sexuel, elle resitue la dimension de la sexualité dans la relation d’altérité fondatrice, qui garantit la liberté et le désir de chacun.e.

Ghislain Waterlot, quant à lui, éclaire la complexité de la sexualité et les risques que l’activité sexuelle implique pour les personnes et les couples. S’il souligne que le plaisir orgasmique signe la vitalité centrale d’une relation de couple, « la sexualité n’est cependant pas ce qui fait l’union » : l’émergence d’une parole partagée et le soin apporté à la relation sont tout aussi indispensables à un épanouissement des partenaires, possible mais jamais garanti. Si la reconnaissance d’un plaisir féminin autonome a permis une nouvelle altérité indispensable à un rapport plus symétrique entre hommes et femmes, l’aspect « sauvage », voire violent, de la sexualité entraîne le risque jamais écarté d’abus ou de non-consentement. Demeure cependant la promesse d’une vie sexuelle génératrice d’une union où chacun.e se donne à l’autre, dans la gratuité.

Toujours dans l’idée de nourrir votre réflexion, plusieurs recensions d’ouvrages viennent enrichir ce numéro sur la sexualité, ouvrant des horizons sur la question pornographique, du corps et du geste créateur et de la pudeur.

Le samedi 11 mai, nous vous attendons à notre journée annuelle d’étude qui poursuivra la réflexion sur le sexe et l’autre, avec trois conférencier.ère.s, qui aborderont, sous un angle psychanalytique, la construction de la pudeur chez l’enfant avec José Morel Cinq-Mars, en sciences bibliques, la question de la masculinité et du pouvoir avec Jean-Daniel Macchi, en littérature, la question du sexe, avec Claude Habib.

Vous y êtes les bienvenu.e.s et nous espérons vous y rencontrer.

Laurence Mottier
Pasteure EPG