Le péché existe : j’y ai succombé !

Il y a un peu moins d’un an, j’étais confortablement installé dans un avion en vol pour la Thaïlande. Comme je trouvais le temps long, j’ai consulté mes mails et je me suis mis à lire l’excellent article de ma non moins excellente et chère amie et collègue Elisabeth paru en février 2020 dans le cadre « d’une perspective à la foi » et intitulé « Le péché n’existe pas ». Inutile de vous dire que cet article m’a tenu éveillé jusqu’à ce jour. Car il faut bien le confesser : J’ai péché, je dirais même que ce dernier m’a structuré et a fait de moi, l’homme que je suis. En lisant l’article d’Elisabeth, mon identité s’estompait !

J’ai en mémoire les paroles de la première lettre de Jean : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. Si nous reconnaissons nos péchés, lui qui est fidèle et juste va jusqu’à pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice » (1 Jn 1, 8-9). Mais de quel péché parle-t-on ? Ce mot a-t-il encore un sens dans notre langage du XXIème siècle, n’est-il pas usurpé ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un comportement déviant, éthiquement inadéquat, une aliénation, en opposition avec les normes de droit et avec la morale du temps.

Comme le dit Antoine Nouis, dans son ouvrage Un catéchisme protestant, le péché est tout ce qui résiste à cette vie de Dieu en nous, et autour de nous. L’orgueil et la convoitise sont à la racine de cette résistance que nous opposons à la vie en Dieu (Op. cit. p. 300). Dans cette perspective, on doit aussi admettre qu’il n’y a pas de rupture avec Dieu ou avec nos semblables sans possibilité de réparation. Nous avons appris et nous faisons l’expérience que la miséricorde de Dieu envers nous, qui s’accomplit sur la Croix a mis un terme définitif non seulement à notre culpabilité mais aussi à nos péchés.

Cependant, les trois évangiles synoptiques dans des formes très voisines parlent d’un péché qui lui ne peut être pardonné ni dans ce monde, ni dans l’autre. Ce péché a pour nom : Le péché contre l’Esprit ou parfois est appelé aussi le blasphème contre l’Esprit. ( Mt 12, 31 -32 ; Mc 3, 28-29 ; Lc 12, 8-10) Alors qu’en est-il du péché contre l’Esprit ? Pour saisir le sens de ces paroles radicales il faut analyser le contexte dans lesquelles elles ont été dites. Si nous prenons l’évangile de Matthieu, nous voyons que Jésus guérit un homme dont on dit qu’il est démoniaque, non seulement aveugle mais muet également (MT 12, 22). La foule est dans l’admiration (12, 23). Les pharisiens chez Matthieu, les scribes chez Marc prétendent que c’est par Béelzébul, le prince des démons, que Jésus accomplit ses guérisons et Jésus répond que si c’est par Béelzébul que la guérison s’accomplit, il y a division dans le royaume de Satan puisque Béelzébul ne peut pas d’une part être le mal et d’autre part l’anéantir. Tout royaume divisé contre lui-même est donc voué au néant. C’est dans ce cadre que Jésus dit que toute offense des hommes, que toute parole contre le Fils de l’homme seront pardonnés mais que le péché contre l’Esprit ne le sera pas ni aujourd’hui, ni demain.

Les scribes et les pharisiens disent que c’est par Satan que la guérison se produit. Or c’est précisément par l’Esprit Saint, (nature divine, empreinte de la force vitale, de l’énergie de l’Amour), que le relèvement de cet homme a lieu. De deux choses, l’une : soit c’est l’esprit du mal, soit c’est l’Esprit Saint, puissance de vie et d’Amour. Il faut choisir. Si l’Esprit Saint est nié (et c’est la liberté de tout un chacun) alors le pardon ne peut pas agir. On ne peut pas être pardonné contre son gré.