De l’Eden à la crèche, à quel Dieu les femmes de la Bible font-elles confiance ?

Il n’y a pas de réponse unique bien sûr ! En cette période de l’Avent où nous prêtons particulièrement attention à Marie, et – à travers elle – à la place des femmes dans l’histoire du salut, je vous propose de nous arrêter un instant sur les femmes de la généalogie de Matthieu : Tamar, Rahab, Ruth et Bethsabée.

Mais avant cela, quelques mots sur Eve, la première femme de la Bible. Vous savez, celle par qui tout arrive : la désobéissance, le péché, la punition divine. Parmi toutes les lectures possibles de cet épisode bien connu, je vous propose celle-ci : il se pourrait qu’Eve, au moment où elle décide de mordre dans le fruit que le serpent a porté à son attention, décide par ce geste de refuser l’image de Dieu qui lui propose le serpent : un Dieu cachottier, égoïste, cruel, pervers même. En mordant dans le fruit, elle pose une confession de foi en acte : le Dieu auquel elle croit, ce n’est pas un Dieu qui refuse aux hommes une connaissance par orgueil, c’est un Dieu bienveillant, créateur, inventif, qui pourra soit partager cette connaissance, soit trouver une façon la meilleure possible de réparer son erreur.

Quelques chapitres plus loin, on trouve donc Tamar, qui refuse la place de porte-malheur, paria, à laquelle Juda veut la reléguer parce que ses deux premiers maris -fils de Juda – sont morts. Elle revendique le droit d’être une femme « bien », de connaître la joie et le respect, de porter la vie. Dieu semble bien peu présent dans l’histoire de cette femme qui se déguise en prostituée pour mettre Juda face à ses contradictions et à ses responsabilités. Et pourtant, c’est par Tamar que passe la lignée qui conduit à David, comme si Dieu, discrètement, validait le combat de Tamar contre les réflexes superstitieux qui condamnent des gens au malheur et à l’exclusion sous prétexte qu’ils ont déjà vécu des malheurs, comme une double peine.

En tournant quelques pages, on découvre Rahab, celle qui choisit de croire en ce qui n’est pas encore visible. Elle décide d’aider les espions d’Israël venus repérer les défenses de Jéricho : deux hommes terrorisés, poursuivis, venus au nom d’un peuple de gueux qui campe non loin d’une ville puissante. Rahab voit ce qui n’est pas encore là, elle fait place à l’étranger et à l’étrangeté dans sa vie, certaine que c’est de cette ouverture que naîtra la vie. Elle choisit Israël et son Dieu consciemment, elle fait confiance qu’avec eux les promesses seront tenues, la vie sera large, ouverte.

Plus loin encore dans la Bible, on trouve l’histoire de Ruth, la Moabite, qui décide d’accompagner sa belle-mère Noémie en Israël et de faire confiance à son Dieu : « ton Dieu sera mon Dieu » dit-elle. Pourtant rien de moins évident à une époque où les dieux sont nationaux et jaloux de leur peuple. Ruth, elle, semble assurée que le Dieu de Noémie, le Dieu d’Israël, l’accueillera, elle l’étrangère venue d’un peuple parfois ennemi du sien. Elle a confiance dans son accueil sans condition.

Et Bethsabée enfin, celle qui est prise comme un objet par David, utilisée sans que personne ne lui demande son avis, simplement parce qu’elle est belle. Nathan le prophète vient, au nom de Dieu, faire comprendre à David qu’il a fait une faute en se conduisant comme il l’a fait. Il vient réaffirmer que tout être humain doit être considéré comme tel, avec respect, avec égard pour ce qu’il ressent, pour ses rêves, ses désirs. Contrairement à ce que pense David, être roi ne signifie pas considérer les autres comme des marionnettes, mais se mettre au service des personnes qui constituent son peuple. Bethsabée comprise : rien ne justifie qu’on prenne une femme comme un objet, qu’on fasse tuer son mari, le désir qu’elle suscite n’est en rien une excuse.

Quant à Marie, bien loin de toute soumission aveugle, elle se dresse devant l’ange qui vient lui annoncer une nouvelle qui va bouleverser sa vie pour l’interroger : « comment cela sera-t-il possible puisque je ne connais pas d’homme ? » Elle veut comprendre, parce qu’elle ne croit pas en un Dieu qui exige de renoncer à sa raison, de se soumettre sans poser de question. Et, ayant reçu une réponse, elle décide de faire confiance à ce Dieu, alors qu’à vues humaines tout s’écroule autour d’elle : ce que l’ange lui annonce devrait conduire à la rupture de ses fiançailles avec Joseph, l’opprobre, voire la lapidation. Ou bien, c’est l’extraordinaire inattendu de Dieu : un Dieu qui s’incarne dans un tout-petit, un Dieu qui s’en remet à elle, simple humaine, pour grandir, pour être soigné, accompagné !

Ces femmes courageuses, fortes, intelligentes, sont souvent bien loin des images un peu doucereuses pour les unes, diabolisées pour les autres, qu’on trouve ici ou là. Toutes ont cherché, chacune à leur manière, une relation directe avec Dieu. Elles se sont trompées parfois, elles ont appris toujours, elles ont été aimées de Dieu, de toujours à toujours. Comme nous, hommes et femmes ! Si les récits bibliques usent parfois de l’expression « Dieu de nos pères », nous pourrions parfois parler aussi du « Dieu de nos mères », par exemple : Que le Dieu d’Eve, de Tamar, de Rahab, de Ruth, de Bethsabée, de Marie et de toutes les autres vous bénisse et vous garde en ce temps de l’Avent. Qu’il éclaire vos pas !