Rendre justice - Au-delà d’un jugement, recréer des liens

“Tu ne commettras point d’iniquité dans tes jugements : tu n’auras point égard à la personne du pauvre, et tu ne favoriseras point la personne du grand, mais tu jugeras ton prochain selon la justice.” (Lévitique 19.15)

à lire les comptes-rendus des procès dans la presse, on mesure la difficulté pour les juges de rendre des jugements qui rencontrent l’adhésion à la fois des auteur·e·s des infractions et de leurs victimes. Parfois les un·e·s repartent avec le sentiment d’une injustice et d’autres fois les victimes ont l’impression que la peine infligée n’est pas suffisante au regard du mal subi.

à cela peut s’ajouter pour le·la condamné·e le fait de vivre une double ou une triple peine lorsque les conditions de détention ne permettent pas de favoriser une véritable réinsertion socio-professionnelle. Il ou elle se retrouve alors dans une situation précaire à sa sortie de prison. Les victimes aussi peuvent garder au fond d’elles-mêmes bien des blessures et des frustrations qui ne leur permettent pas de se reconstruire. Il y a aussi celles et ceux qui vont traîner une culpabilité que le jugement n’aura pas apaisée, celles et ceux qui ne parviendront pas à sortir du choc post-traumatique d’une agression ou d’un autre acte délictueux. Y aurait-il une voie pour tenter de sortir de ces cercles vicieux, dont certains conduisent à la récidive et d’autres à la dépression ?

Comme l’écrit l’avocate Camille Perrier Depeursinge1, la justice restaurative, à la suite d’un événement qui a causé des dommages à des personnes, à des relations et à des biens, a pour objectif premier « de réparer ces dommages et ainsi d’abord de permettre à la victime de se reconstruire et à l’auteur de prendre ses responsabilités. Dans un processus de justice restaurative, toutes les personnes touchées par une infraction ont l’occasion de parler des dommages subis et de ce qui doit être entrepris pour les réparer, pour empêcher que l’infraction ne se reproduise et pour répondre aux besoins qui en sont issus. La justice restaurative donne ainsi aux personnes directement touchées par l’infraction un rôle actif et responsable… »

Parler de son vécu dans une relation de confiance, dans un autre cadre que la procédure judiciaire et le tribunal, c’est essentiel pour ne pas rester enfermé dans sa tête et dans son corps. Différentes propositions existent :

• Dans les prisons, les aumôneries offrent un tel espace de libre parole aux personnes détenues ;

• à Genève, les associations comme le Centre LAVI2 ou AVVEC3 sont aussi à disposition des victimes ; 

• sans oublier ce que propose l’association REPR4 pour les familles et les enfants des personnes détenues, très impactés
par cette séparation particulière.

Se parler entre victimes et auteur·e·s, comme le propose diverses démarches de justice restaurative, est encore une autre démarche qui ouvre sur d’autres possibles pour les personnes concernées. Cette approche est déjà pratiquée dans plusieurs pays européens et au Canada. Elle manque malheureusement encore de base légale dans notre pays pour être mise en œuvre plus largement que dans le cadre de quelques expériences pilotes. La justice ne peut être que restaurative si elle veut pouvoir déployer tous se effets et mener aussi vers des chemins de réhabilitation, de reconstruction voire de réconciliation ou de pardon.