Libres de croire, libres pour croire
Libres de croire, libres pour croire
C’est par ses adversaires que le courant de la théologie dite libérale a été d’abord nommé comme tel. Dès ses débuts, il naît dans un contexte polémique, notamment dans les conflits de politique ecclésiastique en Allemagne. Nous sommes au XIXème siècle, le protestantisme a été marqué, divisé aussi par les mouvements du Réveil et il se débat avec l’héritage de l’hégelianisme.
En Suisse, il est inséparable de la figure d’Alois Emmanuel Biedermann (1819-1885), théologien formé à Bâle puis à Berlin, puis nommé professeur à Zurich. Cet homme engagé dans les débats de son temps est très représentatif de cette alliance qui s’est nouée entre un certain travail théologique - notamment lié à la recherche historique sur Jésus et à l’analyse des premiers contenus de la foi chrétienne - et les courants philosophique et politique du libéralisme. Dans un discours d’hommage de 1875 (Strauss et la théologie contemporaine), Biedermann distingue chez celui qu’il considère comme son précurseur et maître, une vertu entre toutes: celle de la critique. Il la décrit comme “non un pur travail de destruction, mais cette opération scientifique qui est la condition indispensable de tout vrai progrès dans la connaissance, et qui consiste à mettre les faits et les idées à l’examen d’une raison exercée par l’expérience et consciente de ses lois”.
La critique ainsi comprise est une entreprise éminemment positive, rendant justice à l’intelligence humaine et l’ouvrant à se saisir de façon dynamique des enjeux de la connaissance. Son travail sera particulièrement utile dans le domaine religieux où peuvent s’exacerber les plus grandes affections.
Dans sa première lettre aux Thessaloniciens, l’apôtre Paul aura peut-être offert à la théologie critique en christianisme un de ses premiers fondements, lui qui écrit au milieu de recommandations pour cette communauté encore fragile : “mettez tout à l’épreuve, retenez ce qui est bon.” ( I Thess 5, 21) Examiner sans discrimination de principe, chercher à voir ce qui supporte une appréciation critique et garder pour soi et pour l’Eglise tout ce qui peut s’avérer profitable: sans doute que l’apôtre n’avait pas à l’esprit une position aussi anachroniquement “libérale” mais j’ose proposer ici cette lecture qui fait de l’acte de croire un mouvement profondément libre. Aujourd’hui comme hier, la foi chrétienne réside et s’active dans le lieu de la plus grande liberté, celle que nous a acquise Celui que rien ni personne n’a pu lier, hormis son amour.
Alexandre Winter
Pour aller plus loin: Jean-Marc Tétaz, “ La théologie libérale en Allemagne. De quelques questions que masque un chiffre théologique”, Revue de Théologie et de Philosophie, no. 151, 4 (févr. 2020), 353‑391.